Les bactéries lactiques

LES BACTERIES LACTIQUES

Les bactéries lactiques sont des micro-organismes unicellulaires produisant de l’acide lactique comme produit principal du métabolisme. Elles sont présentes dans un grand nombre de fermentations spontanées de produits alimentaires (fromages, yaourts, choucroute…). Elles regroupent un nombre important de genres parmi lesquels aerococcus, bifidobacterium, carnobacterium, enterococcus, lactobacillus, lactococcus, leuconostoc, oenococcus, pediococcus, streptococcus, tetragenococcus, vagococcus, weissella.

Dans la vendange, on trouve les genres pediococcus, leuconostoc et lactobacillus. Ces bactéries sont mêlées aux levures et aux moisissures déposées sur la pruine des raisins mûrs. Dans le vin en cours de FML, on trouve, en majorité les leuconostoc oenos (appelées oenococcus oeni depuis 1995) (coques hétérofermentaires). Dans les vins altérés, on trouve surtout les lactobacillus (bacilles homo ou hétérofermentaires). Dans les vins à pH élevé (faible acidité), on rencontre les pediococcus (coques homofermentaires).

Les bactéries lactiques des vins se présentent sous la forme de coques (forme arrondie) ou de bacilles (en forme de bâtonnets).

On distingue les bactéries homofermentaires qui ne forment que de l’acide lactique en attaquant le glucose (dans ce cas, on parle de FML pure) et les bactéries hétérofermentaires qui, en plus de l’acide lactique, produisent du glycérol, de l’éthanol, de l’acide acétique, de l’acide succinique, du mannitol… (dans ce cas, la FML est dite non pure)

Fermentation malolactique : Le biacide malique est transformé en monoacide lactique par les bactéries lactiques. Le terme de « fermentation » est inapproprié car il s’agit, en réalité, d’une réaction biochimique athermique (ne produit pas de chaleur) d’origine enzymatique. La réaction s’écrit :

 COOH – CH² – CHOHCOOH -> CH³ – CHOHCOOH + CO²

Oenococcus oeni est l’espèce (hétérofermentaire) majoritaire de la FML. Elle est acidophile et sa croissance n’est pas inhibée en présence de 10 % d’éthanol.

Besoins des bactéries :

Carbone, azote, phosphore, soufre, oligo-éléments, vitamines et traces d’oxygène sont les éléments essentiels dont les bactéries ont besoin pour se développer : elles les trouvent dans les acides aminés, les glucides, les peptides, les sels minéraux et les vitamines que contient le vin. Une partie de ces éléments peut déjà avoir été utilisée par les levures lors de la fermentation alcoolique ce qui peut nécessiter un recours à des activateurs. Elles ont également besoin d’éléments supports qui les maintiennent en suspension dans le vin (lies fines).

Facteurs limitants :

  • Température : les bactéries lactiques se développent mieux à des températures comprises entre 18 et 22°c. Au-delà de 22°, le risque de développement de bactéries d’altération s’accroît. Des variations brusques de température leur sont également préjudiciables.
  • SO2  : les teneurs supérieures à 40 mg/litre entravent leur développement. Il semblerait que les lactobacillus et les pediococcus (bactéries d’altération) soient plus tolérantes qu’oenococcus oeni aux hautes concentrations en SO2. Ceci conduit à la conclusion paradoxale qu’un vin apparemment très bien protégé par de fortes teneurs en SO2 a davantage de chance que les bactéries d’altération soient responsables de leur FML.
  • pH : la FML est d’autant plus difficile à déclencher que le pH est bas, autrement dit, c’est lorsqu’elle est le plus souhaitable qu’elle est le plus difficile à obtenir. En général, elle ne pose pas de problème lorsque le pH est égal ou supérieur à 3,2. Certaines souches du commerce arrivent à se développer à pH = 2,9. Si l’intensité des facteurs limitants diminue, le pH seuil peut légèrement descendre.
  • Alcool : la résistance des bactéries lactiques vis-à-vis de l’alcool varie selon les souches ; leur multiplication est gênée lorsque la teneur en alcool dépasse 10 %.
  • Tanin : une présence importante de tanins serait un facteur inhibiteur mais ceci est controversé.
  • Oxygène : il a également un rôle inhibiteur ; c’est une des raisons pour lesquelles on recherche la FML dans la foulée de la FA et sans soutirage intermédiaire.
  • Pesticides : ils entravent fortement les bactéries ; par exemple, le dichlofluanide est inhibiteur dès 2 mg/litre et 5 mg/litre de Cu++ peuvent retarder la FML de 2 semaines.
  • Volume des cuves : les petits volumes sont thermiquement moins stables ce qui peut entraver le développement des bactéries. Dans les grands volumes, la différence de température entre le bas et le haut des cuves favorise, par convexion, leur maintien en suspension.
  • Limpidité : les débourbages excessifs entravent le développement des bactéries car elles ont besoin d’éléments supports pour se maintenir en suspension dans le vin. C’est davantage le cas pour les vins blancs. Pour les vins rouges, le fait d’assembler vin de goutte et vin de presse suffit généralement à provoquer le départ spontané de la FML.

Bactéries lactiques d’altération :

Outre les bactéries acétiques (acetobacter aceti) qui sont responsables de la piqûre acétique en oxydant l’éthanol du vin en acide acétique, certaines bactéries lactiques du genre pediococcus et lactobacillus sont responsables de maladies du vin :

  • la piqûre lactique par dégradation du sucre (souvent en cas d’arrêt prématuré de la FA)
  • la tourne par dégradation de l’acide tartrique (goût de souris)
  • l’amertume par dégradation du glycérol (formation d’acroléine)
  • l’odeur de géranium par dégradation de l’acide sorbique
  • l’augmentation de l’acidité volatile par dégradation de sucres réducteurs
  • la graisse rend le vin filant, huileux et fade (certains leuconostoc s’entourent d’une substance mucilagineuse). C’est souvent l’étape précédant la tourne et l’amertume.

Prévention :

La fermentation malolactique peut se dérouler de façon spontanée lorsque les conditions du milieu sont réunies pour un bon développement des bactéries lactiques. Ce n’est pas souvent le cas sous nos latitudes car nos acidités sont souvent élevées (pH proches de 3) et il n’est pas rare de ne voir se déclencher la FML qu’au printemps voire à l’été suivant. Durant cet intervalle de temps, toutes les portes sont ouvertes pour l’installation de bactéries d’altération !

Apporter massivement des bactéries lactiques sélectionnées permet d’éviter l’installation d’une flore indésirable puisque cet ensemencement permet l’occupation rapide du milieu. Plus tôt le vin aura terminé ses deux fermentations, plus tôt il sera à l’abri d’éventuelles altérations.

Recherches :

Des études récentes expérimentent un ensemencement simultané par des levures et des bactéries lactiques (culture mixte en opposition par rapport à la culture séquentielle qui préconise d’attendre la fin de la FA pour introduire les bactéries lactiques dans le vin). Ces études montrent que la culture mixte saccharomyces cerevisiae/oenococcus oeni assure une amélioration de la FML qui s’expliquerait, entre autres, par une meilleure adaptation des bactéries à l’élévation progressive de la teneur en alcool du milieu.

D’autres études tentent de comprendre l’interaction existant entre les levures utilisées lors de la FA et les bactéries utilisées pour la FML. Ainsi des essais effectués sur de très petits volumes de chardonnay d’Ardèche entre 2003 et 2005 ont donné les orientations suivantes :

  • A bactérie lactique identique, la durée de FML a varié de 20 à 65 jours selon la variété de levure utilisée lors de la FA.
  • A levure identique lors de la FA, on note de très nettes différences de comportement des bactéries sur le temps de latence avant démarrage de la FML et sur la durée de la FML.
  • Le passage d’un pH 3,2 à 3,3 est suffisant pour enclencher une FML récalcitrante quel que soit le couple levure/bactérie utilisé.
  • Le procédé de co-inoculation (introduction des bactéries en même temps que les levures) a entraîné un démarrage plus précoce de la FML mais n’a pas eu d’impact sur la durée de la FML.
  • Quel que soit le couple levure/bactérie utilisé, le taux de désacidification obtenu est du même ordre de grandeur.

Dans sa thèse de doctorat (2008) sur l’étude des interactions entre saccharomyces cerevisiae et oenococcus oeni, Nancy NEHME écrit : « Plus récemment, Husnik et al. (2006) ont construit une souche industrielle de S. cerevisiae ML01, génétiquement stable, en intégrant le gène de la malate perméase de SHz. pombe et le gène de l’enzyme malolactique d’Oenococcus oeni. Cette souche était capable de complètement décarboxyler 5,5 g/L d’acide malique du moût Chardonnay pendant la FA. Leurs analyses phénotypiques, génotypiques et protéomiques ont montré que cette souche était identique à la souche parentale. De plus elle répond au statut GRAS « Generally Regarded As Safe » de la FDA (Food and Drug Administration) et constitue la première souche de levure génétiquement modifiée qui a été commercialisée ».

L’entrée des OGM est bien réelle dans le monde du vin également !

Ensemencement :

La plupart d’entre nous, lorsqu’ils recherchent le déclenchement de la FML, recourent à un ensemencement de « Malocid » dès la fin de la fermentation alcoolique (densité 1010) lorsque le vin est encore trouble et qu’il ne s’est pas trop refroidi. D’autres souches existent et deux d’entre elles sont mentionnées dans les petits catalogues qui accompagnaient la note sur les levures : « Biostart Vitale SK11 » de Bioferm qui agirait pour des pH de 3,1 et « Malolactic Wine Culture » de Wyeast qui agirait pour des pH de 2,9 !

Il pourrait être intéressant, dans le cas de vins très acides dont on suppose qu’ils contiennent une forte proportion d’acide malique, d’essayer un levurage avec « Bioferm Malic » qui, selon le fournisseur, permettrait une transformation de 50 % de l’acide malique contenu dans le moût en alcool : cette levure transformerait, lors de la FA, 1 g d’acide malique en 0,03 % d’alcool ! A vérifier par la pratique.

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